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Distinguer pour justifier: trois notions
Communio, n° VI, 2 — mars-avril 1981


Le présent article reprend deux leçons données au cercle culturel «Luigi Tamoglia» de Fidenza (Parme). J’en remercie cordialement les responsables

* * *

Le magistère a le devoir de formuler l’essence de la Révélation comme d􏰃en souligner les conséquences sur toute une vie communautaire. Les baptisés ont le droit d’élaborer des projets, divers et concrets, qui réalisent cette fin.

 

La justification théologique d’une doctrine sociale de l’Église, que je me propose de tenter ici, exige au préalable que je définisse certains termes courants, ou tout au moins que j’indique en quel sens précis je les emploierai dans cette étude. Il y en a trois principaux. 

Le premier est celui d’enseignement social de l’Église. J’entends par là l’ensemble des vérités et normes morales enseignées par le Magistère de l’Église et ayant pour objet la nature et l’organisation de la société humaine. 

Le deuxième est celui de doctrine sociale chrétienne. J􏰄entends par là l’ensemble des indications pratiques adressées à ceux qui acceptent l’enseignement social pour les aider à transformer les divers structures économiques, politiques, etc., de la société. 

Le troisième est celui de programme social des associations d’inspiration chrétienne (partis, syndicats, etc.). J’entends par là l’application de l’enseignement social de l’Église et de la doctrine sociale chrétienne à une société déterminée à un moment historique déterminé. Ce programme se caractérise, pour cette raison, par certaines précisions, adaptations, et compléments requis par le contexte dans lequel l’association se trouve engagée. 

Cette précision n’est pas imposée du dehors aux documents que nous examinons. Elle s’impose d’elle-même, même si, comme de bien entendu, on pourra toujours la formuler mieux que moi. Par exemple, la valeur de l’enseignement de Jean XXIII sur la signification et la valeur du travail humain n’est pas comparable à celle des indications qu’il donne pour une participation des travailleurs à la propriété de l’entreprise [Cf. Mater et Magistra, dans AAS 53 (1961), p. 462 et 420 s.]. Cette précision doit en outre nous aider à discerner la valeur normative des décisions du Magistère en cette matière, et montrer que bien des critiques qu’on leur adresse manquent de tout fondement.

 

L’enseignement social de l’Église 

La justification théologique de l’enseignement social du Magistère se fonde sur la conception que le Catholicisme se fait de ce dernier. C’est donc en rappelant les éléments essentiels de cette conception que nous verrons comment en dérive le devoir direct de quiconque exerce ce magistère de proposer aussi à la communauté chrétienne un enseignement social. 

Depuis toujours dans l’Église catholique, le Magistère agit et se reconnaît le devoir de garantir la fidélité de la communauté chrétienne à la vérité du Christ. Sa fonction est donc corrélative à cette vérité, en ce sens qu’elle est à son service et y puise son contenu propre. Le Magistère n’a donc qu’à transmettre cette vérité, révélée une fois pour toutes. La vérité dont il s’agit ici n’est pas une simple doctrine, mais c’est le mystère, c’est-à-dire Jésus-Christ en nous, espérance de la gloire (cf. Colossiens 1,27). De là découlent des conséquences capitales pour comprendre le magistère de l’Église. 

En premier lieu, la vérité dont le Magistère garantit la fidèle transmission est la vie même du Fils de Dieu fait homme qui nous est donnée. Sa transmission ne peut être séparée de la transmission de cette vie. Réciproquement, consentir à cette vérité et l’accueillir ne peut se dissocier d’y participer : «croire» et «faire», ou vivre, la vérité, sont inséparables. 

En second lieu, la transmission de la vérité faite par le Magistère atteint son sommet dans le ministère liturgique de la célébration de l’eucharistie. En effet, dans l’eucharistie, le Christ se fait présent dans le don illimité et inconditionné («prenez et mangez») accompli une fois pour toutes sur la Croix. C’est le point culminant de la communication de la vie même du Christ au monde («Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle» 􏰅 Jean 6,54). Par suite, c’est le point culminant de la vérité qu’est le Christ («Je suis la vérité»), laquelle n’est autre chose que la parfaite manifestation de sa procession d’auprès du Père, comme don fait au monde, manifestation accomplie totalement («tout est accompli») sur la Croix.

Mais, si l’eucharistie est le point culminant de la vérité, elle est pas le point final. Et c’est encore la nature de cette vérité que de nous en faire déduire une troisième conséquence: dans la mesure où cette transmission est la vie même du Christ qui nous est donnée, elle n’atteint pas son but tant qu’elle n’a pas pris possession de notre vie en ce monde, tant que notre vie n’est pas devenue une actualisation réelle, quoique certes limitée, de la vie du Christ. Chaque célébration eucharistique se termine en effet toujours par la prière que ce que nous avons célébré dans ce mystère s’accomplisse dans notre vie. C’est seulement dans la vie, dans l’agir chrétien, que la transmission de la vérité qui est la vie de l’homme atteint son terme. 

Il s’ensuit que c’est une fonction essentielle du Magistère, en tant que service qui garantit la transmission de la vérité du Christ, que de garantir aussi que la vie des croyants dans le monde reçoive sa mesure et sa norme du don que le Christ a fait de lui-même sur la Croix, et qui est toujours eucharistiquement présent dans l’Église. Sans cette obligation et cette garantie, la transmission de la vérité serait fondamentalement tronquée. 

Et c’est justement sur cette base que se fonde la légitimation et même la nécessité d’un enseignement social. 

La personne humaine se réalise dans le temps, dans la mesure où elle est fidèle aux valeurs morales. En effet, ce qui caractérise la valeur morale par rapport à toute autre valeur humaine est sa référence à la personne humaine comme telle. La valeur morale est l’indication de la façon dont la personne humaine exige de se réaliser selon sa propre mesure et vérité [Sur tout ce point, cf. Dietrich von Hildebrand, Ethics, Chicago, 1972, p. 169.]. Cette mesure n’est pas limitée, mais illimitée, parce que, selon une décision libre de Dieu, elle est selon la mesure de la plénitude du Christ. Par suite, toute la sphère éthique est polarisée vers la vie dans le Christ, où elle trouve sa consistance définitive. 

La vérité du Christ que le Magistère transmet et qui est la vie de l’homme exige que celui-ci garantisse cette réalisation proprement humaine de l’homme. L’objet du souci pastoral du Magistère n’est ni l’homme technique, ni l’homme économique, ni l’homme social [«Je pense (...) au lien fondamental de l’Évangile, c’est-à-dire du message du Christ, avec l’homme dans son humanité même (...). Il faut affirmer l’homme pour lui-même et non pour quelque autre motif ou raison: uniquement pour lui-même (...). L’ensemble des affirmations concernant l’homme appartient à la substance même du message du Christ et de la mission de l’Église (Jean-Paul II. «Discours à l’UNESCO», 2 juin 1980, § 10, dans Documentation Catholique).].

L’enseignement social se propose de montrer la voie par laquelle la vie sociale de ce monde peut et doit devenir vraiment humaine en permettant à la personne humaine de se réaliser selon sa propre mesure. Il s’agit donc d’un enseignement éthique sur la société, et non pas technique. C’est-à-dire d’un enseignement qui ne se propose pas de montrer quels sont les instruments les mieux adaptés pour atteindre des fins qui ne concernent qu’une dimension particulière, sectorielle, de l’humain (dimension politique, économique, etc.). Il s’agit d’un enseignement qui se propose de montrer la voie que l’homme doit parcourir pour se réaliser simplement comme homme dans chaque secteur de sa vie sociale en ce monde. C’est un enseignement qui a pour interlocuteur non la raison technique, instrumentale, de l’homme, mais la raison éthique, en tant que faculté de l’Absolu. 

Sans cet enseignement, le Magistère laisserait hors de la vérité du Christ une dimension essentielle, la dimension sociale de la réalisation de la personne humaine comme telle.

Nous pouvons maintenant définir cet enseignement de façon plus rigoureuse qu’au début. C’est cette partie du Magistère de l’Église qui montre les valeurs morales qui doivent être actualisées dans l’activité sociale de l’homme pour que la personne humaine puisse se réaliser comme telle selon sa vérité et sa mesure. 

Tirons en maintenant quelques corollaires. On comprend la sottise de quiconque a supposé, même à l’intérieur de l’Église, qu’il fallait abandonner l’enseignement social et que le Magistère devait se taire sur ce point. Cet enseignement est nécessaire aujourd’hui plus que jamais, pour libérer un homme toujours plus esclave d’une raison instrumentale et d’une culture qui est allée en censurant de plus en plus la question éthique, c’est-à-dire la question de la valeur de l’homme comme tel, de ce qu’il vaut parce qu’il est, non parce qu’il a. Il est aujourd’hui plus que jamais une partie essentielle de son service à la vérité du Christ qui est la vie de l’homme, d’un homme devenu la victime d’une raison qui s’exerce de plus en plus comme fonctionnaire d’une vérité qu’elle même constitue, en agissant comme un instrument sur les réalités observables et utilisables. 

On comprend aussi, que, comme l’a dit le Pape à Puebla [Discours de Puebla, 28/1/1979, dans AAS 71 (1979), p. 187.], le fondement de tout cet enseignement est la vérité de l’homme, cette vérité totale qui resplendit dans l’homme Jésus-Christ, Dieu incarné. C’est la possession de cette vérité, dont la transmission fidèle est assignée au Ministère apostolique, qui fonde l’enseignement social. Et c’est pourquoi celui-ci peut s’adresser à tous les hommes de bonne volonté, et non pas seulement aux croyants, du moment qu’il concerne tout homme fidèle aux exigences absolues de son être personnel comme tel, aux valeurs éthiques, c’est-à-dire du moment qu’il a justement une volonté «bonne».

On comprend enfin, last but not least, que cet enseignement jouit de la même autorité que tout l’enseignement du Magistère. Tout croyant est tenu, au sens propre, de le suivre. 

 

La doctrine sociale chrétienne 

Le service de la vérité du Christ ne peut se limiter à l’enseignement social. C’est cet enseignement lui-même qui exige de devenir doctrine sociale chrétienne. 

Les valeurs morales dont la mise en pratique conditionne la réalisation de la personne humaine comme telle dans la vie sociale sont des critères de jugement selon lesquels nous évaluons les conditions réelles dans lesquelles se trouve la personne humaine dans la société où elle vit. Il s’agit d’une évaluation qui ne peut être une fin en soi, mais qui se propose de repérer des propositions pour changer les structures de la société, toujours et uniquement du point de vue de la personne humaine, et non d’une meilleure organisation technique. Il existe donc en fait un passage de l’enseignement social à la doctrine sociale. 

Il est toutefois hors de doute que ce passage implique une prise en considération des conditions et des situations historiques dans lesquelles l’enseignement social doit être actualisé. De là découle le caractère contingent et changeant de cette doctrine, dans la mesure où elle répond aux conditions propres de chaque pays et de chaque époque historique. 

Nous pouvons désormais en donner une définition plus précise. Par «doctrine sociale chrétienne», j’entends cet ensemble de règles ou propositions d’action qui réalise la médiation entre l’enseignement social de l’Église et une situation historique déterminée. C’est un ensemble d’axiomes de médiation (middle axioms) qui participent à l’immutabilité absolue des valeurs morales présentées par l’enseignement social et à la mutabilité relative de la situation historique. Et il n’est pas toujours facile, dans chaque cas, de discerner si une proposition appartient à l’enseignement social de l’Église ou à la doctrine sociale chrétienne. 

Que le Magistère puisse et doive s’engager comme tel même en ce domaine me semble pouvoir se démontrer.

La doctrine sociale naît d’un jugement éthique, qui comme tel est de foi, sur une situation historique particulière. Or, le Magistère se déroberait à son devoir de transmettre la vérité du Christ qui est la vie de l’homme s’il ne s’engageait pas aussi dans 􏰆une œuvre de discernement critique, de jugement 􏰉sur la maniere dont l’homme vit dans la société en un temps déterminé. C’est précisément à travers ce jugement que la vérité sur l’homme entre dans l’histoire de la société et devient normative pour elle, du moment que les décisions humaines qui produisent la vie sociale impliquent toujours ce jugement. Et elles impliquent par conséquent une référence à des critères de vérité et de valeur. Donc la transmission de la vérité qui est le devoir du magistère exige qu’il s’engage pour en garantir la présence aussi dans ce moment décisif pour l’agir social de l’homme. D’autre part, il ne peut s’agir seulement d’un jugement négatif, incapable de soutenir seul le poids d’une action, mais ce doit être aussi un jugement qui propose. 

La nécessité pour l’enseignement social d’engendrer une doctrine sociale est en outre démontrée si nous considérons un des gains les plus nets réalisés par l’anthropologie contemporaine, à savoir, la conscience de la dimension historique de l’existence sociale de l’homme. Certes, tout n’est pas décanté et clarifié dans ce gain, et dans ses considérations, la pensée chrétienne devra toujours conserver une attitude critique. Reste toutefois acquise la vérité de l’action et de la responsabilité de l’homme dans la construction de son être social: en ce sens que l’homme ne se limite pas à être spectateur et à prendre acte de la situation sociale dans laquelle il vit, mais qu’il en est, qu’il le veuille ou non, un des acteurs. Par suite, toute vérité sur l’homme en tant qu’être social est toujours inscrite dans un projet particulier de société. Il ne faut pas en conclure, comme le soutient par erreur l’historicisme, qu’il n’existe pas d’affirmations de valeur absolue sur l’être social et sur son agir comme tel, mais que cette valeur affleure toujours dans des projets historiques relatifs et particuliers.

Puisque telle est la condition objective de la personne humaine, cela devient un devoir inéluctable pour le Magistère que de guider le croyant pour que soit garantie dans toute sa réalité historico-sociale l’identité permanente et la vérité absolue de la valeur morale et de la valeur de la personne humaine dans sa totalité concrète. 

Il faut toutefois reconnaître que le degré d’autorité dont jouit la doctrine sociale chrétienne en tant que proposée par le Magistère est différent de celui dont jouit son enseignement social. Il n’est pourtant pas possible de nier que le jugement dont il s’agissait ci-dessus dans une situation déterminée puisse s’imposer avec une telle immédiateté comme conséquence de l’enseignement social qu’il ne puisse être refusé. C’est ce qui arrive, par exemple, quand la voie indiquée est de fait l’unique voie adaptée pour sauvegarder la valeur de la personne humaine. Pour le reste, il sera nécessaire de mettre en pratique les principes communs qui règlent l’interprétation des documents du Magistère et l’exigence de l’unité dans l’obéissance du corps ecclésial. 

Un corollaire final: étant donnée la nature et la fonction de la doctrine sociale chrétienne, celle-ci devient particulièrement nécessaire quand, dans la conscience des fidèles, le jugement sur la situation socio-historique dans laquelle ils vivent se fait de plus en plus incertain et contradictoire, pauvre de contenu et dominé par des idéologies qui mutilent profondément la vérité de l’homme.

 

Les programmes sociaux 

Le problème posé par les programmes des associations qui s’inspirent des enseignements et de la doctrine sociale chrétiens est d’une nature différente de celle des précédents. 

Il faut préciser tout de suite que, quand on parle d’associations, on ne doit pas penser uniquement à un parti politique. Ce n’est pas et ce ne doit pas être l’unique forme d’association des chrétiens dans la société. Le programme placé à la base de ces associations n’est complètement réductible, ni à l’enseignement social, ni à la doctrine sociale chrétienne. Même en s’appuyant sur eux, le programme implique toute une analyse de la société dans laquelle vivent les chrétiens, et un projet d’intervention dans cette société qui ne sont pas purement déductibles de l’enseignement et de la doctrine sociale chrétiens. Ils impliquent la mise en œuvre d’instruments􏰊 d’analyse et d’intervention puisés dans un savoir qui n’est plus simplement celui de la foi et de la raison éthique. 

Ces propositions de programmes sociaux relèvent de la compétence spécifique et exclusive des laïcs. Comme le Concile Vatican II l’a amplement enseigné, leur devoir spécifique est d’introduire dans les structures sociales de ce monde la vérité du Christ; c’est la transfiguration des structures de ce monde, leur rénovation dans le Christ.

 

De là dérivent deux conséquences qui doivent être affirmées toujours ensemble si l’on ne veut pas avoir une vision déséquilibrée de ce moment et de cet aspect de la vie de l’Eglise.

 

1. On ne doit pas séparer, encore moins opposer, le laïc dans l’Église et le laïc dans le monde. L’activité du laïc dont il a été parlé trouve son enracinement profond et complet dans sa participation véritable et réelle à l’eucharistie à laquelle le rend apte son état de baptisé. Réciproquement, la participation du laïc à l’eucharistie ne se limite pas à l’acte liturgique au sens strict, mais doit se poursuivre dans son activité sociale. En fait, comme nous l’avons déjà dit, la transmission de la vérité au monde ne peut s’achever dans la célébration eucharistique. Elle doit se réaliser, s’actualiser dans la vie, au sein de l’histoire de ce monde à laquelle participe le laïc et dont il est l’acteur. Quand donc le laïc exerce son activité sociale sur la base des programmes qu’il propose, il exerce une activité qui est vraiment d’Église, puisque l’Eglise, en son fond, est cette transmission et communication de la vérité et de la vie du Christ à la vieille création, pour la renouveler et la recréer. 

 

2. En tant qu’oeuvre propre du laïc, les programmes de société élaborés par lui n’ont aucune valeur normative pour la communauté ecclésiale. Il appartient en effet au seul Ministère apostolique des évêques, dont le pape, d’avoir le charisme de transmettre la vérité du Christ de cette manière normative. Seule la transmission accomplie par eux est une règle pour la foi et l’action des chrétiens. Les programmes de société relèvent en revanche de la responsabilité de ceux qui les élaborent. Ils n’ont donc aucune garantie, puisque leur élaboration ne se fonde sur aucune participation particulière à l’Esprit de Vérité, hormis celle, générale, qui dérive de la foi active des laïcs et de leur compétence professionnelle. Par conséquent, ces programmes ne peuvent être à l’abri des erreurs, des retards et des misères qui guettent toujours la présence des chrétiens dans le monde.

Enseignement social de l’Église, doctrine sociale chrétienne et programmes sociaux sont les divers modes d’expression de l’unique mission de l’Église à l’égard du monde. Celle-ci ne consiste pas à servir le monde tel qu’il se trouve, c’est-à-dire sous le pouvoir du péché, mais à servir le monde en l’arrachant à la condition d’aliénation dans laquelle il se trouve, pour le transfigurer dans la Charité du Christ, afin que tout soit pour l’homme, et que tout l’homme soit pour le Christ, puisque le Christ est pour Dieu. La communication de cette charité qu’est la vérité du Christ déjà eucharistiquement présent dans le monde se réalise aussi par ces trois moyens.

Aucun de ces trois moyens ne se propose comme interlocuteur direct et principal l’organisation sociale. Au contraire, cet interlocuteur est pour eux, eu sein de cette organisation sociale, et souvent contre elle, la personne humaine comme telle. Car seule la personne peut être rendue participante à la vérité du Christ, et elle se définit en dernière instance par cette possibilité inscrite dans son être.

Enseignement social de l’Église, doctrine sociale chrétienne et programmes sociaux sont l’indication, à des degrés divers de garantie, de la façon dont la personne humaine peut se réaliser au sein de l’organisation sociale comme une personne, dans la totalité de sa vérité. Ce sont, dirait saint Augustin, la manifestation, au sein d’un monde dominé par l’«amour de soi», de l’«ordre de la charité», de la réalisation de la personne comme communion. 

 

(traduit de l’italien par Guy Malherbe)
Titre original: «Dottrina sociale della Chiesa: giustificazione teologica»