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La vérité du mariage et de la famille dans le Magistère de Jean Paul II
juillet 1986


Il est indiscutable que le mariage et la famille est un des thèmes centraux du Magistère de Jean Paul II. Je crois que, avant Lui, aucun Pape ne l’a traité si longuement et si fréquemment. Ce profond intérêt d’où vient-il? Quelles sont les raisons qui poussent l’actuel Pape à s’engager dans cette direction?

 

1) Pour répondre à cette question, il est utile de rappeler simplement que le Magistère du Pape — de chaque Pape — a son origine dans la mission même du Christ de “témoigner la Vérité”; il s’enracine dans la conscience profonde de la foi, selon laquelle l’homme trouve son salut éternel seulement dans la subordination de sa liberté humaine à la Vérité du Christ. Il y a un rapport décisif entre salut de l’homme et Vérité (“celui qui croira... celui qui ne croira pas…”) et c’est de ce rapport qui naît, dans l’Eglise, le Magistère du Pape.

De ce simple appel à la nature intime du Magistère même naît une question: quel est le rapport entre le salut de l’homme et le témoignage à la vérité du mariage et de la famille rendu par le Magistère de Jean Paul II ? Après avoir déterminé ce rapport, nous comprendrons finalement pourquoi ce thème est si important dans son Magistère.

Du point de vue chrétien, c’est vrai que le mariage n’est plus le chemin obligé pour atteindre le salut: la virginité consacrée est le “nouveau” chemin indiqué par le Christ.

Toutefois, pour ceux qui sont appelés au mariage — hommes et femmes — le mariage devient — il doit devenir — la “forme” qui exprime la vérité de leur être des personnes, ce “bien” qui permet d’exprimer, dans leur liberté, la façon juste d’être personne, devant Dieu même. Nous devons nous arrêter et méditer profondément sur ce point si nous voulons comprendre le Magistère de Jean Paul II.

La communauté conjugale n’a pas été inventée par l’homme: ella a été voulue et pensée par Dieu créateur même. La pensée et la volonté créatrice de Dieu se sont fixées dans l’homme et la femme, en structurant leur être personnel de l’intérieur. Autrement dit: le mariage est une dimension essentielle, une “inclination naturelle” de l’homme et de la femme. Donc, quand la perception de la vérité du mariage s’obscurcit, cela est l’effet d’une autre obscurcissement plus profond: l’obscurcissement dans l’homme et la femme de la connaissance de leur simple vérité, de la vérité de leur être personnel. Le témoignage que Jean Paul II rend dans ces années à la vérité du mariage est, à la fin et toujours, le témoignage qu’il rend à la vérité de l’homme, pour le salut de l’homme même.

Il y a, donc, un rapport inséparable entre ce qui nous pensons de l’homme et ce qui nous pensons du mariage; et il y a un rapport inséparable entre ce que Dieu a pensé de l’homme et ce qu’il a pensé du mariage. Le salut du mariage réside dans la synthonie entre les pensées de l’homme et les pensées de Dieu. C’est à l’Eglise de promouvoir et défendre cette synthonie. A ce point, il faut nous demander: quelles sont les pensées de Dieu sur le mariage? Elles sont écrites dans deux livres: la personne humaine même et l’Ecriture Sainte. Ces pensées divines ont été écrites dans les coeurs de chaque homme et de chaque femme et pour aider chaque homme et chaque femme à lire cette “écriture du coeur”, Dieu a écrit aussi un livre sur le papier, l’Ecriture Sainte. Afin que chaque homme et chaque femme deviennent capables — à travers l’Ecriture Sainte — de lire correctement ce qui a été écrit dans leurs coeurs, la divine Providence a institué le Magistère.

Lisons, donc, dans notre coeur, si nous sommes encore capable d’intériorité et pas encore aveuglés complétement par la culture de l’extériorité. Notre première découverte — découverte qui ne cesse jamais de nous étonner — sera que nous sommes profondément différents de toutes les choses qui nous entourent (cfr. Genèse 2): différents et supérieurs. Et notre diversité-supériorité réside précisément dans le fait que le monde qui nous entoure est composé de choses, tandis que nous sommes des personnes. Nous sommes “quelqu’un”, pas “une chose”. Mais “être quelqu’un, pas une chose” que signifie-t-il? Il signifie être un “moi”, un centre de choix et décisions libres: même la décision libre de faire ce que nous voulons de notre vie, de nous mêmes. Mais cette suprême grandeur et dignité de la personne contiennent un grave risque: le risque que la personne s’enferme en elle-même, ne pas instituant de rapports de vraie communion avec les autres personnes. Elles contiennent le risque de la solitude (cfr. Genèse 2). En continuant à lire dans notre coeur, nous voyons alors que chacun de nous a en lui le désir, le bésoin profond d’une communion avec les autres personnes: une communion qui soit créé par le don réciproque de soi même.

Le mariage, donc, n’a pas été inventé par les hommes: il a été pensé et voulu par Dieu même. Et, de plus, cette volonté divine a été imprimée dans la personne humaine. Approfondons le signification de ces affirmations. Le mariage alors est une des façons fondamentales par lesquelles l’homme et la femme peuvent réaliser leur vocation originelle à la communion interpersonnelle: à la communion constituée par le don réciproque de soi. Le “destin” de l’homme est cette communion: dans cette communion, la personne humaine peut réaliser sui-même, peut être vraiment sui-même. L’homme est pour lui même un énigme insoluble, jusqu’à quand il ne percevoit pas que son destin est l’amour.

 

A ce point, on peut se poser une question chargée d’amère incertitude: mais cette communion — dans laquelle, selon le dessein originel de Dieu, consiste le mariage — est-elle possible? Mais, à la fin, un vrai amour entre les personnes humaines, un amour qui consiste dans le don de soi est-il possible? Est-ce que, au contraire, souvent le rapports entre les personnes ne seramenent-ils pas au miracle faible de la convergence entre des intérêts opposés? La réponse à cette question constitue un des points les plus importants du Magistère de Jean Paul II sur le mariage. Et la réponse est articulée dans deux moments fondamentaux.

(A) Considérons, contemplons l’homme et la femme comme ils sont sortis des mains créatrices de Dieu, dans leur justice originelle. L’act créateur de Dieu, qui est à leur origine, est un act de pure gratuité, de pur amour. Et la fin de cet acte créateur — ce qui a été créé — c’est-à-dire l’homme et la femme, sont en eux mêmes le “don” que le Créateur fait de l’un à l’autre. (cfr. Genèse 2): la personne même est constituée comme un don dans sa structure la plus intime. L’attraction et la complémentarité réciproques entre masculinité et féminité qui nous constatons au niveau physique et psychique, sont un signe et une conséquence d’une attraction-complémentarité beaucoup plus profonde, la spirituelle, en vertu de laquelle l’homme est appelé à être non pas seulement avec l’autre, mais pour l’autre et, donc, de l’autre. L’homme et la femme sortent des mains créatrices de Dieu comme des êtres donnés structurellement l’un à l’autre.

Y a-t-il encore en nous une mémoire, une trace de cette origine béatifiante, de cette justice originelle dans laquelle l’homme et la femme ont été créés? Oui, naturellement. Chaque homme et chaque femme ne ressentent-ils pas une nostalgie profonde pour la beauté, pour la dignité et la bonté d’un rapport dans lequel aucun des deux ne soit un objet usé par l’autre? Cette nostalgie ne devient-elle pas de plus en plus profonde, plus cette beauté, cette dignité et bonté sont souillées et bafouées? Notre misère — et aussi notre misère dans l’amour — a les mêmes caractéristiques de la misère des rois et reines déchus, comme disait Pascal.

(B) Mais la justice originelle dans laquelle l’homme et la femme ont été créés — même dans leur état de mari et femme — a été détruite par le péché. Le péché a rendu l’homme et la femme incapables d’aimer, c’est-à-dire incapables d’instituer et édifier cette communion interpersonnelle, fondée sur le don, qui est et demeure leur destin définitif. L’homme et la femme peuvent devenir continuellement, l’un pour l’autre, un objet à désirer, à posseder, duquel en jouir. Parce que c’est leur “coeur”, leur subjectivité profonde qui a été dévastée par les effets du péché. Et le Christ connaît bien l'homme et la femme auxquels il s’adresse en disant: “Vous avez en tendu qu’on a dit... mais je vous dis…”. Il s’adresse à un homme et une femme dont les coeurs sont habités par la concupiscence, c'est-à-dire habités par la volonté de ne plus reconnaître l’autre dans sa valeur de personne, mais seulement dans son utilité d'objet à user et, in même temps, encore habités par le désir d’une vrai communion.

Nous nous étions demandé: est-ce que l’homme et la femme sont-ils capables d’instituer et d’édifier une communion fondée sur le don? Le Magistère du St. Père répond avec toute la foi de l’Eglise: oui et non. Oui, pour l’homme et la femme comme ils étaient dans leur justice originelle; non, pour l’homme et la femme comme ils sont dans leur état d’injustice concupiscente. Alors, devons-nous conclure que l’homme et la femme sont incapables d’accomplir leur destin en tant que êtres appelés à l’amour et au don? Oui. Voilà la seule conclusion vraie sur l’homme. Cependant, il est arrivé un fait qui, aujourd’hui, fausse cette conclusion: la Rédemption du Christ. Elle rachete aussi l’amour conjugal parce qu’elle rend à l’homme et à la femme la dignité de leur origine primitive, la capacité du don, la liberté du don réciproque.

Nous sommes partis d’une question très simple: pourquoi Jean Paul II s’est-il tellemente engagé dans son Magistère à traiter le thème du mariage et de la famille? Nous avons cherché une réponse, en partant d’une base: le magistère de l’Eglise est témoignage de la Vérité qui sauve l’homme. Ayant parcouru toute la route, nous sommes ainsi arrivés aux conclusions suivantes:

a) l’homme est pré-destiné au salut qui consiste dans l’amour: dans la communion avec Dieu et avec l’autre fondée sur le don total de lui-même;

b) pour la plupart des hommes et des femmes, la pré-destination se réalise dans cette “forme” particulière, la communion conjugale et, donc, l’homme et la femme ont été créés dans et pour cette vocation;

c) l’homme et la femme ont perdu la possibilité de vivre leur destin à cause du péché qui les a subordonnés à la concupiscence;

d) l’act rédempteur du Christ a délivré l’homme et la femme de leur concupiscence.

Pourquoi, donc, le thème du mariage et de la famille est-il si important dans le Magistère du St. Père? En un mot, parce que, dans ce thème, il est en question le destin même de l’homme, pour le salut duquel existe l’Eglise.

 

2) Jusqu’ici j’ai parlé du mariage. Je n’ai pas encore dit un seul mot sur la famille. Elle nous mène dans un thème qui, à travers sa connexion avec ce que j’ai dit jusqu’ici, nous révèle des dimensions nouvelles et plus profondes du destin humain.

La profession de notre foi, le Credo, commence avec la déclaration qui nous croyons en “Dieu, Père , créateur…”. Il est donc inévitable que chacun de nous, tôt ou tard, se demande: mais quand Dieu m’a-t-il créé? Certainement, nous ne serions pas satisfaits en répondant: étant donné que Dieu a créé le premier homme, la succession naturelle des générations humaines est arrivée jusqu’à moi. Nous serions insatisfaits parce que nous savons que chacun de nous a été voulu personnellement par Dieu et pas seulement comme un anneau transitoire d’une espèce qui se perpétue. Et, alors, il faut donner la réponse la plus simple à la question “quand Dieu m’a-t-il créé?”: ma création est coincidée avec ma conception. J’ai été créé par Dieu quand j’ai été conçu. Cette coincidence est un fait merveilleux qui mérite une réfléxion attentive.

Si nous considérons notre origine du point de vue de notre conception, nous savons qu’elle est dûe à un acte d’amour conjugal; si nous considérons notre origine du point de vue de l’acte créateur, nous savons qu’elle est dûe à un acte d’amour de Dieu divin. L’amour conjugal (fertile) et l’amour créateur de Dieu se joignent mystérieusement, mais réellement, pour donner naissance à une nouvelle personne humaine. Et cet amour conjugal est la seule façon digne de donner naissance à une nouvelle personne humaine.

Mais cette rencontre continue entre l’amour de Dieu et l’amour conjugal: la Providence de Dieu dirige et mène chaque personne humaine et l’éducation des parents mène la personne humaine engendrée à la maturation.

Dans cette jonction nous pouvons contempler le mystère le plus profond de l’amour conjugal et de la famille. L’amour conjugal est le lieu où Dieu accomplit ce dessein, conçu et envisagé dès l’éternité, d’appeler des autres à l’être, d’appeler des autres à participer à sa Vie divine même. L’amour conjugal est le temple saint où Dieu célèbre son acte d’amour créateur.

C’est vrai. Le péché a mis en échec ce dessein pour une bonne part. En effet, la génération humaine ne transmet plus à la créature engendrée la justice originelle dans laquelle l’homme avait été créé. Cependant, à travers leur foi et éducation les parents engendrent encore, en un certain sens, leurs enfants à la vie surnaturelle.

Maintenant, nous comprendons mieux pourquoi le St. Père a donné une si grande importance au thème du mariage et de la famille dans son Magistère. C’est l’homme qui est en cause: C’est en cause l’honneur de Dieu créateur; c’est en cause le rapport entre Dieu et l’homme. En un mot: c’est en cause le noyau central pas seulement du christianisme, mais de toute expérience religieuse vraie et authentique.

 

3) Le témoignage de la Vérité exige aussi que le témoin démasque l’erreur qui contredit la Vérité même et la juge: “aime le pecheur et hais l’erreur”, disait St. Augustine. Et ainsi le Magistère du St. Père sur le mariage et la famille dénonce continuellement même l’erreur qui, de l’intérieur, profondément atteint ce thème. Je voudrais m’arrêter brièvement sur ce point.

Quand j’affronte ce thème, je suis toujours effrayé par le fait que, dans notre société , il me semble de réentendre un cri, ce cri qui — selon l’Ecriture sainte — retentit dans le silence du désert du Sinai: “y a-t-il Dieu parmi nous, oui ou non?” C’est le cri de la provocation, de la mise à l’épreuve de Dieu même. L’erreur fondamentale consiste dans cette provocation qui semble être présente même dans des hommes fidèles et pieux — comme Moise. Cette “provocation de Dieu”, en quoi consiste-t-elle? Dans le fait que l’homme attribue à l’homme ce qui appartient exclusivement à Dieu. Et cela arrive aussi dans le mariage et dans la famille. L’affirmation est très grave et, avant de continuer, je dois donner une précision. Je ne suis pas en train de parler du fait que les époux et les parents peuvent ne pas accomplir la loi de Dieu dans leur mariage et dans leur famille: ce fait n’arrive pas seulement à parents et époux. En un mot: je ne suis pas en train de parler du péché. Je suis en train de parler d’un autre fait. Du fait qu’on a élaboré, construit et proposé une vision du mariage et de la famille sur la base d’une vision de l’homme qui est en pleine contradiction avec le projet divin. Et pas seulement ça. Cette double vision (de l’homme et du mariage-famille) est posées — ou il serait mieux de dire: imposée — comme le bien véritable de l’homme, en jugeant la vision divine comme contraire à ce bien. Où vois-je cette provocation? Ses signes sont continuellement rappelés dans le Magistère du St. Père.

Le premier fait et le plus grave est que l’homme se considère la source essentielle de la vie humaine. La contraception, l’avortement et la production de la personne humaine au laboratoire en sont les signes les plus éclatants.

Un autre fait qui révèle cette provocation est qu’on a miné, à sa racine, la communion conjugale à travers une conception et une expérience dépravées de liberté. Le signes les plus évidents sont le divorce et les cohabitations.

Plongé dans la foi de l’Eglise, le Magistère de Jean Paul II redécouvre la vérité du mariage et de la famille avec une profondeur nouvelle: et il la confie à la liberté de l’homme.